Revue de presse
(…) Le premier mérite de la production d’Adriano Sinivia est de dissimuler les craintes de ceux qui, craignaient de voir Le Caïd apparaitre comme une provocation sociale et politique dans la France d’aujourd’hui. En inscrivant clairement sa démarche dans le contexte historique et esthétique des années 1840, en respectant et en explicitant les ressorts de ce qu’était l’opéra-bouffe à cette époque, le metteur en scène interdit de facto toute lecture au premier degré du livret. Il faudrait avoir l’esprit vraiment mal tourné pour voir ici une apologie du colonialisme ou une tentative de dénigrement du peuple algérien !
Son second mérite est d’offrir, grâce aux décors et costumes joliment colorés d’Enzo Iorio, une illustration extrêmement pertinente de l’atmosphère propre à l’intrigue, cet « Orient rêvé » cher à tant de musiciens, peintres et écrivains. L’Afrique du Nord est ici celle des livres de contes pour enfants, avec ses minarets, fontaines et moucharabiehs au premier acte, son harem au second, et ses dominantes d’ocre et de bleu. Un plateau tournant ménage d’astucieuses échappées dans l’univers de Virginie et Birotteau (l’échoppe de modiste pour elle, le salon de coiffure pour lui), tout en favorisant la fluidité du déroulement de l’action.
R. M. (janvier 2008)
LE CAÏD D’Ambroise Thomas Réhabilitation réussie
Réjouissantes retrouvailles avec un opéra-bouffon oublié et un compositeur trop méprisé.
Allure effrénée
Les décors et costumes astucieux et colorés d’Enzo Iorio, que ce soit le village du début, déclinant diverses nuances d’ocre, dont un plateau tournant permet d’apprécier plusieurs points de vue, ou les appartements féminins du deuxième acte, avec mosaïques et piscine dans de jolis tons de bleus, témoignent d’un goût très sûr. La mise en scène vivante et amusante d’Adriano Sinivia, qui enchaîne les tableaux à une allure effrénée, trouve le ton exact de cette fantaisie qui n’a d’autre prétention que de divertir. L’idée d’avoir ajouté un personnage muet joué par le mime Yung Biau Lin, bondissant et cabriolant pour finir par s’enfuir sur un tapis volant, ajoute à la légèreté d’une soirée rafraîchissante, qui sert avec à propos la cause d’un musicien trop vilipendé. Un spectacle qui aurait tout à fait sa place sur la scène de l’Opéra-Comique, où il a vu le jour.
Michel Parouty (30 novembre 2008)
Plutôt que d’évoquer, et fort heureusement, les répercussions politiques que pourrait susciter la présence militaire française dans l’Algérie coloniale de cette époque, la mise en scène accentue au contraire la dimension féerique d’un Orient magique, plein de couleurs et de saveurs. Sur fond de tapis volants, de minarets et d’autres accessoires qui pourraient dans un autre cadre se réduire à une accumulation de clichés, le joli dispositif scénique conçu par Enzo Iorio évoque autant les Mille et une nuits que, parfois, l’atmosphère luxuriante et luxurieuse d’un tableau de Delacroix. La mise en scène d’Adriano Sinivia, d’une rare fluidité, donne la première place au geste, au mouvement et à la danse, et contribue ainsi à la réussite de fort jolis tableaux qui à tout moment suscitent et nourrissent l’œil du spectateur.
Pierre Degott